L’année suivant l’acquisition de l’abbaye de Valloires par Thérèse Papillon (1924), Albert Alain, l’organiste et compositeur saint-germanois (1880-1971), est venu passer son premier séjour en famille, du 30 août au 12 septembre 1923, invité par la nouvelle directrice du Préventorium qui était son élève de piano et l’amie du couple (les archives familiales conservent des photos de ce séjour).
Les Alain sont ensuite venus régulièrement, une à deux fois par an.
Dès son premier séjour, Albert Alain se plongea dans l’orgue qui était muet et le refit parler. Il accompagnait les offices chantés par les infirmières et les messes célébrées par l’abbé Jean Papillon. Chacun leur tour, Jehan (1911-1940), Marie-Odile (1914-1937), Olivier (1918-1994) et Marie-Claire (1926-2013) ont joué l’orgue, parfois à un âge très tendre : Jehan composa en 1931 la Complainte à la mode ancienne pour que Poucette (Marie-Claire âgée de cinq ans) joue l’orgue de Valloires. Ils ont tous gardé de ces vacances où se mêlaient les impressions de nature, les parties de cache-cache dans le foin ou d’escalade dans le clocher, le charme mystique de la chapelle et la magie de son orgue, un souvenir d’autant plus ébloui qu’il était marqué par les sentiments de l’enfance.
Jehan appréciait les sonorités originales de l’orgue qui lui semblaient « anciennes ». Il était enchanté par ce qu’il appelait « le local le plus acoustigénique qui soit », la merveilleuse acoustique de la chapelle. C’est dans cette atmosphère qu’il composa le Postlude pour l’office de Complies, en août 1930, le Choral pour une élévation [cistercien] en 1934 et la Vocalise dorienne en 1937.
Après 1945, Marie-Claire Alain et son mari Jacques Gommier vinrent régulièrement à Valloires.
A chacune de leurs visites, ils réparaient l’orgue. Marie-Claire donnait des récitals dont le profit allait à la Fondation[AD1] .. Mais l’état de l’orgue devenait préoccupant, aussi s’occupa-t-elle de la restauration de 1993 qui fut confiée aux facteurs d’orgues Théo Haerpfer et Philippe Hartmann[AD2] .
En 2000-2001, elle enregistra les œuvres de Jehan Alain sur l’orgue qui les avait inspirées (Erato, Jehan Alain, Complete works for organ, vol. 2, 2001, Erato 8573-85773-2).
A mon tour, je suis venue perpétuer les liens entre notre famille et les responsables de Valloires et écouter Bernard Saison qui faisait sonner l’orgue pour notre grande joie.
Le concert du 6 octobre 2013, pour les vingt ans de la restauration de l’orgue, rendit hommage à ma mère.
Mon attachement à Valloires, nourri par mes travaux de recherche sur les musiciens de la famille, est très fort.
Dans cette splendide demeure, chargée de souvenirs, souffle toujours l’esprit qui a animé ses fondateurs et, plus modestement, un peu de l’esprit de la famille Alain.
Texte de Aurélie DECOURT-ALAIN
Nièce de Jehan Alain, fille de Marie-Claire ALAIN
Historienne de la musique
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